Les médias ont longtemps contribué à la construction de la vision que se fait le grand public d’un enquêteur privé. Ainsi, les gens s’imaginent souvent que le détective privé est un professionnel de la recherche de preuves qui peut utiliser n’importe quel moyen pour arriver à ses fins. Or, cette image biaisée ne fait que renforcer la méconnaissance de cette profession. En effet, la réalité est tout autre. Le respect de la vie privée est un principe primordial en France. L’enquêteur privé doit donc s’attacher à le respecter scrupuleusement.
Les autorités ont décidé au fil des années de mettre en place des mesures pour éviter qu’il n’y ait des manquements au respect des règles en vigueur.
Les mesures principales ont été de mettre en place :
- une obligation de formation du détective privé,
- un code de déontologie,
- une obligation de formation continue.
La règlementation mise en place qui aurait dû participer à la crédibilisation de la profession. Cependant, cette vision erronée des possibilités d’action du détective privé est encore présente dans l’esprit des gens. L’agent de recherches privées reste donc souvent sollicité pour réaliser des missions interdites. Or, l’enquêteur privé ne doit pas accepter des missions qui revêtiraient un caractère illégitime ou illégal.
Ainsi, il doit mener des investigations dans :
- un cadre légitime et légal
- le respect de la vie privée des personnes conformément à l’article 8 de la CEDH et à l’article 9 du code civil.
Quelles sont les règles à respecter par l’enquêteur privé lors de ses investigations ?
Le cadre légitime et légal de la mission
L’enquêteur privé ne doit effectuer des investigations qu’à condition :
- Qu’elles soient justifiées par un lien de droit entre le demandeur et la personne faisant l’objet de l’enquête,
- Que la demande ne soit pas contraire à la loi.
En effet, tout d’abord, la personne qui demande des investigations devra justifier son identité. Elle devra aussi transmettre des documents justificatifs à l’enquêteur. Le détective privé se servira de ces justificatifs pour établir la légitimité de la mission. Elle sera ensuite intégrée dans son rapport d’enquête. Le lien de droit peut être prouvé par tout document : jugement, contrat de mariage, contrat de travail, une plainte pénale etc. La justification de ce lien est nécessaire sans quoi l’enquêteur ne peut pas intervenir. Ainsi, par exemple, une personne qui demanderait une investigation sur une personne avec laquelle elle a une relation sentimentale mais qu’elles ne résident pas ensemble et ne sont pas mariées verra sa demande refusée.
Ensuite, l’enquêteur privé ne pourra également pas donner suite à des demandes qui seraient illégales. L’illégalité s’entend ici par exemple comme le fait de demander d’avoir accès à des informations obtenus :
- par un procédé illégal,
- ou en utilisant des moyens techniques illégaux.
Les exemples les plus parlant sont ceux de la pose d’un tracker d’un véhicule ou de l’installation d’un logiciel espion sur un téléphone.
Après que le détective privé se soit assuré que la demande est fondée, il va devoir mener ses investigations dans le respect de la vie privée de la personne faisant l’objet de l’enquête.
L’obligation de respect de la vie privée
Le droit au respect à la vie privée est un principe sacré en France. Cette notion a d’ailleurs pris toute sa valeur quand un article du code civil lui a été consacrée. Par la suite, le conseil constitutionnel la même élevée au rang de valeur constitutionnelle dans son arrêt de 1999 en se basant sur la DDHC. Le détective privé doit donc respecter cette obligation.
Cette obligation porte :
- sur les informations transmises par le requérant,
- sur les informations recueillies au cours des investigations.
Le détective transmet directement le résultat de ses investigations à un professionnel du droit afin d’éviter que des informations ne soient divulguées par le requérant . Il se couvre d’un dépôt de plainte pour atteinte à la vie privée.
Même si le détective privé va pouvoir établir le cadre juridique et justifier la demande, certaines missions demandées par le client restent interdites ou conditionnées à une procédure spécifique.
Quelles sont les principales missions interdites du détective privé ?
Il s’agit ici de mettre en évidence les demandes récurrentes qui ne peuvent être acceptées par un détective privé car elles porteraient atteinte à la vie privée.
La révélation des antécédents judiciaires d’une personne par un détective
Parmi les missions interdites du détective, celle qui est demandée le plus souvent est l’identification des antécédents judiciaires d’une personne. Un détective privé ne peut pas avoir accès au traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Ce fichier contient toutes les infractions commises par une personne ou une société. En effet, ce système ne peut être exclusivement consulté que par :
- les services de police
- la gendarmerie
- la douane
- les magistrats du parquet
En revanche, en vertu de l’article R156 du code de procédure pénale, les arrêts, jugements, ordonnances pénale définitifs et les titres exécutoires en matière criminelle, correctionnelle ou de police peuvent être délivrés avec l’accord du procureur de la République ou du procureur général.
La révélation de l’adresse d’une personne sans son accord préalable
La recherche d’adresse d’une personne majeure qui n’est pas débitrice n’est pas une mission interdite. Cependant, elle est soumise à condition. En effet, le détective privé peut rechercher l’adresse d’une personne mais si cette dernière n’est pas un débiteur alors la personne recherchée va devoir donner l’accord à l’enquêteur privé de divulguer ses coordonnées (C. Cass 30/06/1992). Ainsi, dans le cas où la personne serait un débiteur, la révélation de son domicile ne porterait pas atteinte à sa vie privée de surcroît s’il a volontairement dissimulé son adresse dans le but d’échapper à ses créanciers.
La révélation des données bancaires d’une personne
Les données bancaires sont protégées par le secret bancaire et ne peuvent donc être divulguées par un détective privé. Ainsi, l’enquêteur ne peut pas avoir accès :
- au solde d’un compte bancaire,
- aux mouvements du compte bancaire d’une personne,
- au FICOBA qui est un fichier qui contient les comptes bancaires d’une personne ou d’une société.
En revanche, le détective privé pourra rechercher la domiciliation bancaire d’une personne ou d’une société dans le cadre d’une future saisie qui contiendra l’adresse de l’établissement bancaire ou la personne physique ou morale détient son ou ses compte(s) bancaire(s).
La révélation des données téléphoniques d’une personne
Le détective privé n’a pas accès aux factures téléphoniques détaillées d’une personne qui sont couvertes par le secret professionnel et s’ils les diffusent, il s’expose à une condamnation pour recel de violation de secret professionnel. De même, un détective privé ne peut pas mettre le téléphone d’une personne sur écoute, cette prérogative appartenant aux pouvoirs judiciaires. Enfin, l’installation d’un logiciel espion sur un téléphone personnel est également une mission interdite.
Le détective privé qui obtient de telles informations et les révèlent serait exposer à des sanctions pénales et administratives.
Quelles sont les sanctions encourus pour des missions interdites réalisées par le détective privé ?
Sanctions pénales
Pour connaitre les sanctions pénales encourues par le détective privé dans ce genre de cas, il faut tout d’abord savoir que l’interdit porte aussi bien sur l’accès que sur la divulgation d’informations privées.
Ainsi, l’enquêteur privé pourra être sanctionné pour :
- corruption active : s’il a accès à des informations d’une administration par le biais d’un agent public. (Art. 433-1 du code pénal)
- atteinte à la vie privée : si des informations privées sont divulguées à des tiers, que la mission n’est pas légitime ou qu’il utilise un moyen technologique portant par nature atteinte à la vie privée. (Art. 226-31 du code pénal)
Sanctions administratives
Depuis 2012, le Conseil National des Activités Privées de Sécurité est chargé de contrôler la profession de détective privé et sanctionner en cas de manquement. Un agrément pour les dirigeants et une carte professionnelle pour les salariés sont a renouveler tous les 5 ans. Le renouvellement est conditionné à un casier judiciaire vierge. Ainsi, tout agent de recherches privées qui se verrait condamner pourrait s’exposer à des sanctions administratives et notamment au non-renouvellement des autorisations d’exercer.