Tout d’abord, avec le développement des technologies de l’information et de la communication, les moyens de communication sous forme électronique se sont multipliés. Ainsi, ils peuvent constituer aujourd’hui, sous certaines conditions, une réelle preuve devant les juridictions notamment lorsqu’il s’agit de prouver l’infidélité de son conjoint dans une procédure de divorce.
Or, lorsque vous souhaitez engager un divorce pour faute ou pour rupture du lien conjugal, vous devrez prouver les fautes invoquées : adultère, abandon du domicile conjugal, violences conjugales, injures, menaces, la mise en péril du bien-être des enfants, le défaut d’assistance, de secours et d’entraide du conjoint, le fait de ne pas contribuer aux besoins du ménage, etc.
Le principe est que la preuve peut se faire par tous moyens. Ainsi, tout mode de preuve est accepté sauf exception. Un élément qui aurait été obtenu par violence ou par fraude (article 259-1 du Code civil) ou qui porte atteinte à la vie privée ne pourrait pas être produit.
En effet, vous ne pouvez pas obtenir de preuves en fouillant dans les affaires de votre conjoint, en enregistrant une conversation à son insu, en mettant en place des logiciels espions, en volant des affaires personnelles, etc.
Rappel sur les procédures de divorce
Il existe aujourd’hui cinq procédures de divorce :
- par consentement mutuel contractuel,
- par consentement mutuel judiciaire,
- pour faute,
- sur acceptation du principe de la rupture,
- pour altération définitive du lien conjugal.
Le divorce par consentement mutuel contractuel
Il été instauré depuis le 1er janvier 2017. Dans cette procédure de divorce, les époux peuvent divorcer sans juge. Cette procédure concerne les époux qui sont en accord sur la séparation et les conséquences. Chacun doit avoir recours à un avocat. Les époux et leurs avocats doivent se réunir pour mettre au point une convention de divorce. Celle-ci doit mentionner la résidence des enfants, la pension alimentaire, la prestation compensatoire et le partage des biens. Ensuite, la convention est envoyée à un notaire qui la déposera au rang des minutes après vérification qu’elle respecte les exigences de forme et de procédure. Une fois enregistré, le mariage est dissous.
Le divorce par consentement mutuel judiciaire
Il commence par le dépôt d’une requête commune rédigée par le ou les avocats, accompagnée d’un acte de liquidation du régime matrimonial et d’une convention réglant l’ensemble des conséquences de la séparation. Tous les arrangements sont possibles s’ils ne lèsent aucun des époux et préservent l’intérêt des enfants. Les époux avec leurs avocats sont alors convoqués devant le juge aux affaires familiales. Le juge s’assure du consentement des époux et homologue la convention et prononce le divorce.
Concernant les procédures de divorce pour faute, divorce accepté et divorce pour altération définitive du lien conjugal, la phase de conciliation est obligatoire. Dès le dépôt de la demande de divorce, le greffe convoque les époux à une audience de conciliation pour essayer de mettre d’accord des époux sur le principe du divorce et sur les conséquences. Le juge peut proposer aux époux de rencontrer un médiateur pour trouver une solution à l’amiable. Si les époux sont en accord après la médiation, une convention est signée puis le juge l’homologue.
Si la conciliation échoue, le juge rend une ordonnance de non-conciliation qui précise les mesures provisoires pendant la procédure (résidence des époux, des enfants, pensions alimentaires, etc.). A compter de l’ordonnance, l’époux qui a déposé la requête initiale dispose de trois mois pour assigner l’autre en divorce. Une fois ce délai passé, l’autre époux peut décider de poursuivre la procédure au plus tard dans les trente mois qui suivent l’ordonnance.
L’assignation en divorce, rédigée par l’avocat de l’époux, doit être remis à l’autre conjoint par voie d’huissier. L’assignation doit préciser le type de divorce choisi, ainsi qu’un projet de règlement des intérêts patrimoniaux des époux. Ensuite, les avocats échangent leurs arguments ainsi que les différentes pièces du dossier. Ils demandent ensuite une date d’audience.
Le divorce pour faute
La faute invoquée doit être suffisamment grave pour rendre la vie commune intolérable (infidélité, humiliation, dénigrement, violence, désintérêt manifeste, etc.). Celui qui invoque la faute doit la démontrer à l’aide de preuves. L’époux attaqué peut également prouver des fautes de l’autre époux. Le juge peut prononcer le divorce pour faute aux torts exclusifs d’un époux et aux torts partagés. Par contre, il peut également refuser le prononcé du divorce si la faute n’est pas suffisamment grave, d’où l’importance des preuves.
Le divorce sur acceptation du principe de la rupture du mariage
Le juge ne tranche que sur les désaccords entre les époux sur les effets du divorce, et non, sur le principe du divorce. Les époux peuvent toujours conclure une convention portant sur certains aspects de la séparation.
Le divorce pour suite de l’altération définitive du lien conjugal
Il permet à un époux de divorcer même si l’autre époux s’y oppose. Le couple ne doit plus vivre ensemble depuis deux ans. Celui qui engage la procédure, doit démontrer par tous moyens de preuve, qu’ils ne vivent plus ensemble.
Preuves classiques admises dans une procédure de divorce
Les preuves les plus fréquemment présentées et recevables sont :
- le témoignage,
- l’aveu,
- le constat d’huissier (adultère, abandon de domicile, refus d’accès au domicile conjugal, etc),
- des conversations téléphoniques,
- les écrits, lettres et photos,
- le journal intime,
- les relevés bancaires,
- les mains courantes et plaintes,
- des certificats médicaux,
- les factures,
- le rapport d’enquête du détective prive
Attestations
L’entourage du couple (familial, amical, professionnel) est autorisé à remplir des attestations dans lesquelles il décrit ce qu’il a constaté.
Par exemple, dans le cadre d’un adultère, ils peuvent attester avoir croisé votre conjoint avec une autre personne, dans la rue, se tenant par la main et s’embrassant.
A noter : Les témoignages des enfants du couple (et leurs conjoints) ne sont pas admis.
L’aide d’un détective privé
Le recours au détective privé peut alors être utile, notamment pour constater des évènements ayant lieu sur la voie publique.
Par exemple, avant la non-conciliation, vous pourrez solliciter un constat d’adultère et fournir certains éléments tels que des attestations, un rapport de détective, un aveu par écrit, un certificat médical attestant que vous êtes en cours de dépistage des infections sexuellement transmissibles, etc.
Si vous souhaitez démontrer des violences du conjoint, vous devrez avoir recours à un certificat médical et à des photos à faire établir par un centre médico-légal habilité, par police secours ou par un médecin.
Concernant la preuve d’un détournement de l’argent du ménage par votre conjoint, vous pourrez facilement fournir des relevés de comptes bancaires ou des factures.
Les preuves pour une prestation compensatoire
Pour obtenir une prestation compensatoire juste, vous devrez commencer par fournir le budget de vos dépenses avec des justificatifs tels que les factures du loyer, les charges (EDF, chauffage, etc.), vos frais alimentaires, de santé, etc. ainsi vos différentes ressources (salaire, chiffre d’affaires, foncier, etc.).
Pour établir les revenus de votre conjoint, vous pourrez avoir recours aux bulletins de paie, à la déclaration annuelle pour l’impôt sur le revenu, aux certificats d’impositions fiscales, aux relevés bancaires, etc.
Les relevés bancaires permettent d’établir, en plus des revenus, le train de vie de votre conjoint. En effet, son véhicule, son domicile, son habillement, etc. peuvent également permettre d’établir son train de vie. Vous pourrez avoir recours à des photos pour apprécier la valeur des biens.
Les preuves de propriété
Il peut également être nécessaire d’apporter la preuve de la propriété d’un bien. Pour cela, un titre à votre nom est nécessaire, mais vous devrez également montrer que vous l’avez payé avec votre argent personnel et pas, avec celui du ménage.
Règles générales des preuves par texte et mail
La possibilité de produire en justice des textos et des mails est édictée à l’article 1366 du code civil. Cet article précise que les écrits électroniques peuvent être produits au même titre que les écrits papiers si:
- l’auteur est connu
- ils ont été conservés dans des conditions qui garantissent leur intégrité.
De plus, si les éléments sont obtenus par fraude ou violence, ils ne pourront pas être produits dans une procédure de divorce.
Preuve par texto et mail en matière de procédure de divorce
Les textos
La Cour de Cassation a jugé qu’ils étaient recevables si leur obtention respecte les conditions de l’article 259-1 du code civil. De plus, il faut que le destinataire, la date et l’heure du sms soient précisés.
Ainsi, le simple fait de lire les messages de son conjoint sans son accord et de les faire retranscrire par un huissier de justice ne constitue pas une atteinte à sa vie privée.
De même, si les sms arrivent directement sur un ordinateur ou une tablette familiale, ils sont recevables, ainsi que les messages arrivant sur la page verrouillée d’un smartphone.
Cependant, le contenu d’un texto obtenu par un logiciel espion constituera une preuve irrecevable devant la juridiction.
Les mails
La Cour de Cassation a estimé que les mails étaient un moyen de preuve recevable (1ère ch. Civ 18/05/2005). Ainsi, la production de mails dans une procédure de divorce ne constitue pas une atteinte:
- au secret des correspondances
- à la vie privée de l’individu.
En effet, les mails sont souvent utilisés pour parler avec une personne, mais également pour convenir des rendez-vous. Cependant, des mails qui auraient été obtenus par un procédé illicite ne constitueraient pas une preuve recevable (Cour d’Appel de Paris 03/11/2005).
Ainsi, la preuve peut donc être rapportée par tous les moyens sauf par fraude ou violence. (1ère ch. civ. C. Cass. arrêt n° 692 17/06/2009)
En effet, vous ne devez pas avoir forcé la boîte mail de votre conjoint pour obtenir les mails sinon cela entraînera le rejet de cette preuve, puisqu’elle aura été obtenue avec fraude.
Pour être recevable, votre conjoint doit, par exemple, avoir laissé ouvert sa boîte mail sur l’ordinateur familial. La 3e chambre de la Cour d’appel de Paris, le 17 novembre 2016 n°14-14882 jurisdata n°201-024336, a précisé que :
le fait, pour un mari, d’avoir profité de l’opportunité de pouvoir accéder à la messagerie de son épouse après son départ du domicile conjugal, intervenu dans une apparence d’accord, est un manque de délicatesse, mais ne constitue pas une fraude, de sorte que les éléments de preuve qui en sont issus sont parfaitement recevables. Le fait que l’ordinateur appartenait à son épouse n’a pas permis de rejeter les preuves puisqu’il n’était pas établi qu’il était de son usage exclusif.
Par contre, il ne faut pas oublier de faire retranscrire sur un procès-verbal d’huissier les éléments avant de les verser au débat.
Enfin, lorsqu’il s’agit d’une procédure de divorce, ces modes de preuve peuvent être complétés par le rapport d’enquête d’un détective privé. Ce rapport aura mis en évidence l’infidélité du conjoint. Les témoignages de proches ou de connaissances au moyen d’une attestation peuvent aussi être produits.
Nouvelles preuves dans la procédure de divorce
De nouvelles preuves voient le jour avec les différentes évolutions de la société.
L’exemple le plus explicite est celui des sites de rencontre.
La 2ème chambre de la Cour d’appel de Lyon a reconnu la faute à l’encontre de l’époux qui s’était inscrit sur un site de rencontres et qui correspondait avec une personne en s’envoyant des photos compromettantes. (7 février 2011, n°09-06238)
La Cour de cassation a également jugé que l’échange de messages équivoques et de photos intimes d’une épouse sur un réseau social de rencontres constituant un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage. (30 avril 2014, n°13-16649)
Les réseaux sociaux peuvent également être utilisés comme preuve. En effet, beaucoup se pensent à l’abri sur les réseaux sociaux. Ils créent un faux profil sur un réseau social et publient des photos de leur nouvelle relation. Ils parlent publiquement dessus, or, il est tout à fait possible d’avoir recours à ces preuves dans le cadre d’un divorce.
Le plus judicieux est de ne pas attendre le dernier moment pour recueillir des preuves. Il faut garder tous les documents importants et récupérer des preuves licitement avant de débuter la procédure de divorce. En effet, votre conjoint peut essayer de dissimuler ou d’effacer de nombreuses preuves qui permettraient de démontrer ses fautes.
Dans tous les cas, les conseils d’un avocat ou d’un détective privé seront précieux. Un détective privé pourra recueillir un certain nombre de preuves qui peuvent vous être utiles notamment lors d’une filature. Son rapport est d’ailleurs tout à fait recevable lors d’une procédure de divorce.